Le concept de réversibilité en chirurgie esthétique

Par le docteur Vladimir Mitz

Le concept de réversibilité en chirurgie esthétique est devenu très intéressant ces dernières années.

En effet depuis les années 1970, un grand nombre de patients ont été opérés avec des demandes parfois forcenées: On entendait souvent des des jeunes femmes au thorax trop menu nous dire:"docteur mettez-moi des prothèses mammaires les plus grosses possible, car je veux un résultat spectaculaire!"

Ce temps est bien révolu chez des patientes qui ont passé la cinquantaine.

Certes il existe encore une demande pour la chirurgie esthétique spectaculaire comme en témoigne la mode des télés réalités et des influenceuses.

Mais l'idée d'une chirurgie esthétique plus naturelle, à la française, semble gagner du terrain. Tant mieux pour ces femmes et la société!

Il n'en reste pas moins que le retour vers l'arrière, vers un passé où l'on pourrait effacer les traces de l'opération que l'on ne supporte plus demeure très difficile dans la plupart des cas.

C'est pourquoi il m'a semblé intéressant de faire une courte revue des possibilités techniques concernant la réversibilité en chirurgie esthétique.

Définition

La réversibilité en chirurgie esthétique signifie que l'on peut annuler le résultat d'une opération avec le minimum de traces cicatricielles, et d'anomalie de forme résiduelle. Néanmoins il faut un acte chirurgical ou tout du moins un acte médical relativement agressif pour parvenir à ce résultat une fois qu'il a été choisi par la patiente.

Ce choix devient actuellement plus fréquent, comme le signalent certains confrères qui ont une expérience de la chirurgie esthétique de plus de 30 ans: Il revoit en effet les patients opérés par leurs soins voici quelques dizaines d'années, et ces patient sont demandeurs d'un retour vers un passé plus naturel, moins remarquable, et aussi plus confortable dans certains cas.

A) les opérations facilement réversibles

1) les injections diverses que propose la médecine esthétique sont relativement réversibles aujourd'hui, car les produits utilisés n’ont pas une durabilité supérieure à 2 ans en général, et même beaucoup moins pour le Botox A.

Ce n'était pas le cas autrefois où l'on injectait des huiles de silicone pour épaissir les lèvres les joues les seins ou les fesses, et qui entraînent un alourdissement des tissus en 8 à 10 ans, et parfois des infection ou des phénomènes inflammatoires beaucoup plus rapidement.

Cela était aussi le cas des injections de substances dites permanente dans les lèvres, dont le retrait n'est pas forcément facile.

a) les injections d'acide hyaluronique peuvent-être neutralisées ou diminuées par des substances telle la hyaluronidase en injection; un progrès récent dû au docteur Sandrine Seban consiste en l'application d'une pommade locale qu'elle a nommé la Topilase. Cette pommade permet la fonte percutanée de l'acide hyaluronique qui serait en excédent.

b) les injections de Botox A ont une durabilité variable de 3 à 6 mois, ce qui fait que cela reste un des produits les plus intéressants à utiliser pour faire disparaître les rides sans inquiétude de surdosage.

c) le lipofilling ou injection de sa propre graisse perd entre 50 à 70 % de son volume en 3 mois; il est possible en cas d'excédent constater de refaire une petite liposuction à la seringue pour diminuer ce volume, ou bien d'injecter une substance cortisoné qui vide les adipocytes d'une partie de leurs tissus gras.

2) l'ablation des implants mammaires anciens, où leur changement avec diminution du volume plus souvent qu' une augmentation, devient une opération très fréquemment demandée par une population féminine qui a vieilli, dont les seins se sont dégradés ou sont devenus tombants, ou bien même qui ont grossi à la suite de la ménopause.

La seule rançon de ce changement est qu'il s'agit d'une opération avec anesthésie générale, et comportant des cicatrices. C'est pourquoi je privilégie l'implantation des implants mammaires par la voie axillaire, qui certes est techniquement plus difficile et demandeuse, mais qui au moins à l'avantage d'entraîner des cicatrices qui deviennent invisibles ou à peine visibles dans les plis naturels de l'aisselle.

3) la demande d'ablation des autres implants en silicone ou en d'autres matières non résorbables est beaucoup plus rare :

- ablation d'implants de pommettes ou au niveau du menton

- ablation d'un implant fessier

- ablation et changement d'un implant de Shirakabe au niveau du nez

4) la demande d'ablation de corps étranger injectés au niveau des joues pour les regonfler est beaucoup plus difficile dans mon expérience; il faut faire des échographies avec agrandissement pour repérer avec exactitude la position de ces flaques étrangères; on essaie de les retirer par les voies naturelles(par l'intérieur de la bouche, par l'intérieur du nez)

C) les opérations très difficilement réversibles sont malheureusement relativement nombreuses.

- la silicone en flaque mal limitée injectée dans les lèvres impose une résection en bloc de la lèvre qui s'est distendue et déformée avec les éléments de silicone; il est parfois nécessaire de l'associer à un lifting de la lèvre supérieure par voie sous nasale pour rééquilibrer le centre de la bouche.

- un lifting cervico-facial mal vectorisé et qui déforme le visage, avec une bouche tirée vers l'arrière, ou des effondrements en fanons disgracieux impose une reprise chirurgicale complexe, une technique qui permet de repositionner le SMAS(muscles) en profondeur.

- des paupières exagérément diminuées provoquant un ectropion aux paupières inférieures, ou rendant impossible la fermeture de la paupière supérieure nécessitent une opération de chirurgie réparatrice avec parfois une greffe de peau.

- la demande de Fox eyes ou yeux en amande peut se solder par une déformation asymétrique qui est très difficile à corriger sauf s'il s'agit de sélectionner des fils tenseurs qui ont été placés en profondeur. Sinon il faudra faire des plasties complexes pour repositionner le coin des yeux d'une façon proportionnée et agréable.

- les comblements ratés de la vallée des larmes

Il s’agit d’un des challenges très difficiles a réussi en matière de reprise d'une chirurgie esthétique…au niveau des paupières.car la révision chirurgicale reste délicate à cause de la finesse de la peau locale, qui ne “pardonne” rien.

les reprises en matière de rhinoplastie; avec une demande très particulière chez certains hommes qui ont subi une rhinoplastie de réduction quand ils avaient 20 ans; ils demandent bizarrement de retrouver leur nez avec sa bosse d'adolescence, qui depuis l’opération réductrice a fini par leur a manquer, et cela les déstabilise psychologiquement.

Il suffit parfois d'injecter un peu d'acide hyaluronique pour leur donner satisfaction de façon temporaire, mais leur demande peut aller jusqu'à réaliser une greffe osseuse pour que leur esprit se satisfasse d'une apparence reconquise.

En conclusion,

Le concept de réversibilité en chirurgie esthétique devient de plus en plus à la mode, car il répond à une nécessaire sociétale; nos contemporains ont envie de davantage de naturel, d'une apparence de non opération esthétique pour affronter le regard des autres. Cela s'oppose à une autre population qui vise au contraire le spectaculaire et outrancier, comme dans la catégorie professionnelle des influenceurs(euses), où dans le monde de la téléréalité;

En tout cas les progrès technologiques des laboratoires qui fabriquent les prothèses mammaires où les substances que l'on injecte par la médecine esthétique visent tous à mettre sur le marché des matériaux fiables sur le long terme, et si possible faciles à retirer avec le minimum de séquelles en cas de complication.

Malheureusement, cela n'est pas donné, il reste à craindre que 5 à 10 % des patients qui ont subi une opération de chirurgie esthétique le regretteront à un moment donné ou un autre de leur vie. C'est pourquoi la consultation en chirurgie esthétique est si importante;

les motivations profondes de chacun des patients ne peuvent être évaluées que par le chirurgien qui doit opérer, et non pas par un questionnaire psychologique trop rudimentaire, ou par une consultation d'un psychologue qui n'a pas l'expérience de ce type de population.

C'est donc bien le chirurgien et lui seul qui est capable de poser une indication valable, et c'est son expérience qui le conduira à le faire le moins d'erreurs en ce domaine.